Réflexions et textes

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Les Ateliers du Rythme,
pourquoi et comment ?



Ce qui est partout ne se voit plus

Le rythme est un des fondements de la musique : c’est le temps selon lequel se déroule l’expérience musicale personnelle. En ce sens, il se présente comme la condition sine qua non de toute perception comme de toute activité musicale, si bien que l’on ne peut concevoir de musique sans rythme. Sous prétexte de cette présence implicite, la dimension rythmique a été négligée depuis bien longtemps dans notre tradition pédagogique occidentale.

Beaucoup de musiciens - amateurs ou professionnels - connaissent des difficultés rythmiques. Très souvent, elles les inhibent, les stressent, les déconcentrent, les empêchent d’accomplir pleinement leur tâche de musicien. Certains tentent de les résoudre par une tension musculaire et intellectuelle, d’autres par une arithmétique sophistiquée, d’autres encore par une course poursuite désespérée... Mais ce ne sont là que palliatifs, expédients, contrepoisons qui ne contribuent, en fin de compte, qu’à dissimuler plus ou moins adroitement le malaise.

Celui-ci tient à une raison fondamentale : le manque de compréhension du sens d’un rythme c.-à-d. de son organisation interne, sa dynamique propre, son articulation profonde… Comment un musicien pourrait-il, en effet, interpréter – se pénétrer d’un rythme s’il ne le comprend pas, si ce dernier ne représente rien pour lui ?

Mais que peut donc "signifier" un rythme ?

Si la musique nous touche, nous émeut, nous irrite, c’est bien qu’il y a en nous quelque chose qui entre en relation, en résonance avec cette musique, c’est donc que tel passage, tel accord, tel timbre, tel rythme se trouve associé à des impressions d’ordre sensoriel, émotionnel, mental etc., et que ces associations, précisément, confèrent un sens aux événements musicaux.

La musique - et le rythme en l’occurrence - ne peuvent être compris que s’ils sont rattachés à un vécu personnel. Seule l’expérience d’un rythme lui donnera du sens.

Expérience ou performance ?

Les Ateliers du Rythme tentent de faire redécouvrir à chacun le rythme qui bat, vibre, palpite en lui, intimement lié à sa propre vie. Nous avons tous un rythme propre, personnel, qui habite notre corps. Qu’il articule nos gestes, gère notre équilibre, déclenche nos émotions ou organise notre pensée, ce rythme, c’est notre manière à nous d’être au monde.

Les exigences de notre vie sociale détournent notre attention de ce rythme. Jour après jour, nous nous efforçons de nous adapter à quantité de rythmes extérieurs : du rythme du travail au rythme de l’information, du rythme de nos désirs au rythme de nos responsabilités. Même dans nos activités musicales, nous nous retrouvons souvent en décalage par rapport à notre propre rythme, et ceci d’autant plus que nous ne l’écoutons et, donc, ne le connaissons pas. Nous ne pouvons pas chercher nos marques dans la multitude de rythmes dont nous sommes bombardés à chaque instant. Seul notre rythme intérieur peut nous servir de repère.

Bien sûr, nous sommes libres de penser que ce rythme personnel est très éloigné des rythmes de la vie de tous les jours et, ainsi, être tentés de l’ignorer. Il peut, en effet, nous paraître inutile, futile de nous intéresser à notre rythme intérieur quand nous passons une grande partie de notre énergie à essayer de nous adapter aux rythmes extérieurs de la vie moderne. Croire que l’on peut faire l’économie de ce rythme dénote toutefois une grave erreur de jugement. Une telle attitude conduit inévitablement à une désorganisation et, partant, à une déstabilisation, un affaiblissement de nos facultés. C’est dans les racines de notre rythme intime que nous pouvons au mieux appréhender tous les autres rythmes de la vie !

Les Ateliers du Rythme s'efforcent d’explorer cette voie en partant de l’expérience personnelle avant d’aborder les difficultés concrètes. Dès lors qu’un rythme est associé à des sensations, des images, des gestes, il devient familier et se présente comme une symbolisation de ceux-ci. En tant que tel, il nous est alors aussi facile à réaliser qu’il est aisé de parler pour quelqu’un qui maîtrise une langue. Seul demeure, bien sûr, un minimum d’entraînement moteur, condition préalable à toute forme d’expression.

Ainsi, les Ateliers du Rythme n’entendent-ils pas opérer de distinction entre expérience et performance dans la mesure où la dernière est conçue comme l’extériorisation de la première. Autant l’expérience personnelle nourrit l’interprétation, autant la pratique contribue-t-elle à la conscientisation. Il ne s’agit donc, ni de privilégier un vécu intérieur pouvant justifier une exécution approximative, ni d’ambitionner une performance technique irréprochable se passant de tout rapport au corps ou à l’émotion. L’un et l’autre sont toujours considérés comme deux buts indissociables en interaction permanente. Si donc un travail sur la précision rythmique est abordé, il l’est toujours en relation avec le sens. Inversement, quand l’accent est mis sur la sensation, on ne néglige pas pour autant la qualité d’exécution.

Concrètement…

Les aspects concrets du rythme abordés sont : la maîtrise du tempo et de la pulsation, la conscience des cycles, la gestion des contretemps et des accents, la pratique de polyrythmies, les rapports de structure etc. À chacun de ceux-ci s’attache invariablement le sens dont ils sont porteurs : la vitesse pour le tempo, la régularité pour la pulsation, la dynamique au sein d’un cycle, l’influence sur ces derniers des accents et contretemps, les effets polyrythmiques, l’incidence structurelle… Toute figure rythmique connaît ainsi, par définition, non seulement un certain nombre de caractères intrinsèques, mais également une valeur humaine extramusicale dont elle est inséparable.

Le travail s’effectue en groupe et en situation. On procède par imitation ou par jeux de rôles rythmiques. Tantôt l’exercice consiste-t-il à reproduire une figure, tantôt à exécuter une tâche, tantôt à improviser selon certaines règles… Le modèle à suivre est toujours sonore ou d’ordre structurel et ne relève jamais de la lecture ou du solfège. Aucun instrument n’est utilisé : les rythmes sont exprimés par des frappements de mains, des battements de pieds et/ou avec la voix. Le mouvement occupant une place centrale dans cette approche, une large part est consacrée à la danse libre, à l’écoute kinesthésique, à l’expérimentation personnelle et à la découverte de sensations-émotions associées au rythme. Les séances se déroulent dans la bonne humeur et dans une atmosphère de décontraction active et ludique.


Arnould Massart

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